Changer le Cadre

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2024

ClaraLePicard

Durée : 1h

Spectacle de sensibilisation et d'empowerment sur les VHSS

Vous vous demandez que faire concrètement en face de situations violentes ? Et bien, avec ce spectacle, vous saurez quoi faire.

Agir concrètement auprès de jeunes gens à l’aube de leur vie d’adulte.
Deux comédiennes viennent en classe pour présenter un spectacle sur les VHSS (violences et harcèlements sexuel·les et sexistes), elles sont à peine plus âgées que les élèves et proposent des réflexions, des mises en situations pour questionner le cadre nécessaire au surgissement de la maltraitance.
A force d’interactions, elles amènent à réfléchir au respect du vivant et donnent des outils pour agir au quotidien, que ce soit face au harcèlement ou aux violences.
A l'issue du spectacle (35 minutes), une discussion est menée avec les élèves sur les sujets abordés.
En réfléchissant ensemble, on est plus fort·es !

Avec Romane Stellatelli et Zoé Dunand
Texte et mise en scène : ClaraLePicard

Avec le soutien du Théâtre Joliette, des lycées Joliot Curie (Aubagne) et Diderot (Marseille), de la Ville de Marseille et de la DRAC PACA

Textes complémentaires

Note d'intention

En prenant la forme du jeu de rôle et de l’atelier en classe, en changeant et remettant en question les scénarii élaborés en direct, Changer le Cadre associe l’imaginaire et l’esprit critique des spectateur·rices dans l’appréciation des situations évoquées.
Changer le Cadre propose d’entrer en empathie avec la victime, de prendre conscience des conditions à rassembler
pour agresser mais surtout d’appréhender les répercussions que ces drames ont sur tous les pans de vie des victimes et l’organisation de la société.
En prévention et sensibilisation des violences et harcèlements sexuel·les et sexistes, Changer le cadre propose une approche affective, rationnelle, critique et formatrice.
Changer le cadre est librement inspiré du premier texte théâtral de ClaraLePicard, El, écrit en 2002 et créé en 2003 au Théâtre de l’Atalante (Paris) dans une mise en scène de l’autrice jouée par Lara Barsacq, ClaraLePicard, avec une musique de Fred Nevché, des lumières de Laurent Castaingt.
Vingt ans plus tard, alors que les violences et harcèlements sexuel·les et sexistes (VHSS) sont au cœur des enjeux de l’éducation des jeunes, la Compagnie à Table propose de reprendre ce texte en l’adaptant à la salle de classe pour faire des tournées en lycée.

ClaraLePicard

Revue de presse

Le théâtre populaire, un idéal qui brûle les planches

Comment aller à la rencontre d’un public divers, sans renoncer à proposer des pièces exigeantes ? Depuis des années, nombre de directions et d’artistes s’efforcent de rendre plus accessible l’expérience «irremplaçable» du spectacle vivant.

C’est une question entêtante qui revient avec une acuité renouvelée et rallume, à chacun de ses surgissements, des joutes verbales d’une violence qui n’a rien de factice. C’est quoi, le théâtre populaire ? A quoi le reconnaît-on ? Les directions de lieux et artistes ont-ils le droit d’y renoncer ? Pourquoi est-ce un enjeu capital pour les arts vivants, qui traverse de manière bien moindre les autres disciplines, y compris lorsque pour exister elles dépendent de subsides publics ? Et le théâtre populaire, s’il existe, se confond-il avec la nécessité de plaire au plus grand nombre au risque de devenir, ô dévoiement, noyade dans une eau tiède, consensualité ?

Cette année, c’est Ariane Mnouchkine qui a rallumé le brasier au moment de la dissolution de l’Assemblée par le président Macron, en évoquant la rupture éventuelle des artistes et du peuple, dans une tribune parue dans Libération. «Je n’ai jamais abandonné l’idée d’un théâtre populaire», nous confiait par ailleurs la metteuse en scène qui répète en ce moment son prochain spectacle, Ici sont les dragons, présenté sur le site du théâtre du Soleil comme «un grand spectacle populaire». L’épithète a ricoché tout au long de la dernière édition du Festival d’Avignon, où elle a été utilisée pour louer en particulier Lacrima, la nouvelle création de Caroline Guiela Nguyen singulièrement rassembleuse, mais aussi certaines propositions frontales en langue hispanique. De son côté, le directeur du Festival d’Avignon Tiago Rodrigues n’a eu de cesse, toujours en regard de la menace tangible d’une victoire du Rassemblement national, de relier le festival «service public» à l’héritage de son fondateur Jean Vilar, qui écrivait que «l’art populaire du théâtre est comme la santé des hommes, toujours menacé». Et menacé par quoi, selon Vilar ? Par le conformisme, la répétition des mêmes formes, l’incapacité de montrer les tracas et remous du monde, disait-il en substance, et surtout par le poison mortel de l’entre-soi. Contre l’idée courante, Vilar estimait qu’aucun rival ne pouvait atteindre l’art de la scène, pas même les mots croisés dans les années 50 et les combats de gladiateurs au temps des Romains, mais qu’il pouvait mourir, «malgré des salles pleines», s’il perdait contact «avec ceux qui travaillent».
Des flèches percutant des préoccupations partagées

Pourquoi appeler à la rescousse Vilar aujourd’hui alors même qu’on ne vit plus dans le même monde et que les questions devraient en principe se poser de manière complètement différente ? «Si être dans la tradition de Vilar, c’est monter des classiques sur des tréteaux, je ne suis pas du tout dans cette filiation, explique l’autrice et metteuse en scène Clara Le Picard, qui vit et travaille à Marseille. Mais si cela consiste à inventer des dramaturgies et un langage théâtral qui soit au cœur de nos tourments et réfléchir à leur adresse, alors, oui, je m’inscris dans une démarche vilarienne.» Populaire, le travail de Clara Le Picard le serait donc non en raison d’une diffusion large ou d’une notoriété qu’il n’aura jamais, mais par la structure même de ses projets, conçus comme des flèches ici et maintenant venant percuter des préoccupations partagées. Petite forme, petite jauge où acteurs et spectateurs partagent la même lumière, respirent le même air, et bouleversement maximal : sa dernière création Changer le cadre n’a pas pour vocation de sortir des classes en lycée pro ou général dans lequel il se donne, ce qui réduit drastiquement son public. En premier lieu parce que cette fiction théâtrale sur l’empowerment et les violences sexistes et sexuelles, et dans laquelle les élèves interviennent durant la représentation et infléchissent ainsi le déroulement de la courte pièce, suppose un groupe déjà en confiance. Mais aussi car la metteuse en scène souhaite toucher un public qui pourrait être rebuté par la solennité du bâtiment et «surtout la concentration exigée». Ce que permet cette histoire d’agression lambda qui fait à chaque fois pousser aux adolescents des cris d’effroi alors qu’ils sont habitués à des scènes bien plus violentes via leurs écrans, c’est d’être confrontés ensemble au même moment à une question qui taraude filles et garçons. Trente-deux minutes de représentation, vingt minutes de discussion, la proposition aux effets didactiques n’a cependant rien à voir avec une conférence qui place les élèves dans une situation qu’ils connaissent bien : celle du cours. Clara Le Picard précise : «Je ne dis pas qu’ils se précipiteront le lendemain voir l’intégrale du Soulier de satin. Mais dans leur univers ultra connecté et très solitaire, c’est une expérience du commun qu’ils n’ont plus l’occasion de vivre, et cependant irremplaçable.»

Irremplaçable : le mot est lâché qui justifie les tentatives d’hyperdécentralisation que mènent nombre de scènes subventionnées dans leur combat pour multiplier les publics – comme, celles très réussies, à la Comédie de Valence dans la Drôme, notamment. Mais cette foi dans le caractère irremplaçable du théâtre exige que la proposition scénique soit réellement remarquable. On garde le souvenir cuisant dans le Nord de la France d’une représentation devant des résidents en Ehpad dans un village, dont le but inavoué semblait surtout de faire faire des économies à la Sécurité sociale tant les spectateurs s’écroulaient un à un, assassinés par l’ennui. De plus, l’extrême segmentation des publics s’oppose à la définition du populaire, tel que le concevait Jean Vilar et le pensent encore nombre de directions de scènes et d’artistes : atteindre non pas telle ou telle catégorie ou communauté mais à l’inverse qu’elles se rejoignent et transcendent, le temps de la représentation, leurs différences. Vaine utopie alors que, comme le rappelle la sociologue Marjorie Glas (1), les classes populaires ne représentent plus qu’un pourcentage infime des spectateurs y compris dans les salles les plus emblématiques de la décentralisation ?
Accepter d’éprouver l’effroi de l’incertitude

Pour la metteuse en scène Caroline Guiela Nguyen, à la tête du Théâtre national de Strasbourg (TNS) depuis un an, on ne peut pas décemment s’intéresser à la composition d’une salle, si on ne se questionne pas sur la diversité sur le plateau et dans les écoles de théâtre. «J’ai besoin de corps, de visages, de trajectoires de vie très différents. Les tout premiers moments de répétitions sont rarement fluides car il nous faut construire cet objet commun qu’est la pièce, alors même que les membres du groupe ne se seraient jamais rencontrés sans elle.» C’est l’ancrage précis et singulier de ses récits qui assurent leur portée «populaire». A ses débuts, il y a une quinzaine d’années, se souvient-elle, «la notion de théâtre populaire était entachée de suspicion, tout comme de s’interroger sur l’adresse des spectacles». Aujourd’hui, c’est une question qu’elle pose d’emblée aux artistes : «Qui souhaiteriez-vous voir absolument dans la salle ?» Quitte à aller chercher la part de ce public manquant, non pas en autobus comme le faisait Vilar à la sortie des usines dans les années 50, mais partout dans la ville, afin, et c’est la grande différence avec l’époque vilarienne, qu’il enrichisse aussi de son expérience ce qui est montré. Hatice Ozer, qui a créé au TNS le Chant du père avec son propre père immigré turc ouvrier et chanteur, a ainsi fait le tour des kebabs à Strasbourg pour qu’il y ait des personnes qui parlent turc dans la salle. L’une des pistes de la directrice du TNS afin que chacun puisse se sentir à sa place «dans l’établissement public à visée républicaine qu’est le théâtre», est notamment «qu’on puisse parler sur scène le turc, le kurde, le vietnamien, l’arabe». Encore faut-il disposer du budget pour sous-titrer les spectacles. Un autre levier est la durée des séries. «C’est l’une des raisons qui m’ont fait postuler au TNS : les spectacles y sont joués longtemps. Les salles bougent beaucoup dès lors qu’un bouche à oreille peut s’instaurer.»

On le voit, pour les artistes et les directions, le théâtre populaire n’est pas une forme dégradée ou moins exigeante à laquelle s’opposerait «la Culture». A l’inverse, des formes dites populaires comme le stand-up se théâtralisent à vitesse grand V. En témoigne Cécile, mise en scène de Marion Duval avec Cécile Laporte, performance inclassable de trois heures, invitée par le Festival d’automne et largement diffusée dans le circuit des scènes publiques cette saison. Le montrent aussi nombre de bals menés par des artistes et sur des thématiques spécifiques qui allient savoirs traditionnels et invitations chorégraphiques. Evidemment, plus le lieu du bal s’inscrit dans la mémoire des habitants, plus le bal a des chances d’être ouvert à tous et le théâtre de devenir réellement un lieu populaire. C’est le cas à Clermont-Ferrand où une partie du bâtiment du théâtre a été érigée juste après le confinement à la place de l’ancienne gare routière, ô combien fréquentée. Sous l’égide de Céline Bréant, la programmation POP, acronyme de «Projet ouvert aux populations», peut donc espérer s’incarner et revendiquer un caractère véritablement «populaire» sans pour autant multiplier les têtes d’affiche. A la tête de l’emblématique MC93 à Bobigny, Hortense Archambault, elle aussi, distingue la popularité de la notoriété. «Si être populaire, c’est être connu, le théâtre ne peut l’être, il n’est pas un art de masse. Si on estime que cela signifie travailler à rendre le théâtre accessible en pratiquant des prix très bas, en assurant des médiations, en mettant le public à l’aise, en proposant des sujets contemporains, alors la MC93 l’est.» Aujourd’hui, le public de la MC93 est constitué à 60% d’habitants de Bobigny. Hortense Archambault parle également d’irremplaçable pour qualifier ce que permet le théâtre. Encore faut-il avoir envie de se déplacer pour voir ce qu’on ne connaît pas déjà, et accepter d’éprouver l’effroi de l’incertitude. Serait-ce la raison pour laquelle les femmes et hommes politiques sont si rares à se rendre au théâtre ? Ça n’aurait aucune espère d’importance, si comme nous le disait le comédien Nicolas Bouchaud, ils ne perdaient toute idée de l’utilité du théâtre «service public».

(1) Quand l’art chasse le populaire. Sociohistoire du théâtre public depuis 1945(Agone, «L’Ordre des choses», 2023).

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